De Lege Natura - Chroniques en Droit de l\'Environnement

Annulation totale d’un PLU pour l’absence d’avis de l’autorité compétente en matière d’environnement sur l’évaluation environnementale

Par Romain Ecorchard, Juriste en Droit de l'Environnement, à Bretagne Vivante

6 novembre 2012

 

 

 

TA Rennes, 12 octobre 2012, « Association pour un petit port sympa à Plougasnou »

 

 

Le Plan Local d’urbanisme de la commune de Plougasnou (29) a été entièrement annulé. Outre quelques dispositifs finalement assez classiques sur la loi littoral (qu’on ne commentera pas ici), trois éléments ont particulièrement retenu notre attention :

  • Le classement d’une zone humide en zone urbanisable annulé ;
  • L’annulation complète du PLU pour l’absence d’avis de l’autorité compétente en matière d’environnement sur l’évaluation environnementale ;
  • L’annulation d’une partie du PLU pour l’insuffisance de son rapport de présentation.

 

A / Une protection « absolue » des zones humides ?


Depuis la validation du SDAGE Loire Bretagne 2010-2015, la protection des zones humides a pris une allure plus importante, du moins dans l’ouest de la France. Le 16 décembre 2011, le plan local d’urbanisme de Combrit Saint Marie avait déjà été annulé pour ne pas avoir effectué l’obligatoire inventaire des zones humides, ou du moins, pour ne pas l’avoir cartographié dans son règlement, en application des dispositions du code de l’urbanisme qui oblige le PLU à être compatible avec un SDAGE (L. 123-1).

Dans le jugement du petit port sympa, le TA de Rennes est davantage expéditif, il affirme simplement que «  en classant une zone répertoriée comme humide dont l’intérêt et la sensibilité environnementale ont été décrits ci-dessus en zone 1AUpm dont le règlement permet la réalisation de travaux qui par nature sont susceptibles de porter atteinte à sa conservation et sans qu’il ressorte des pièces du dossier que ledit règlement contienne des dispositions destinées à en assurer la protection, les auteurs du plan local d’urbanisme ont entaché leur décision d’une erreur manifeste d’appréciation ». Dans cet attendu, il n’est même plus question d’application du SDAGE, il s’agit plutôt d’un véritable principe de protection des zones humides, qui aurait dépassé les simples objectifs du SDAGE, ou même de la loi sur l’eau (qui n’est pas citée dans le jugement !). L’attendu s’appuie sur la valeur exceptionnelle (écologique) de la zone humide pour se placer sur le terrain d’une erreur manifeste d’appréciation à ne pas avoir protégé une zone humide. Si cette solution n’est pas transposable in extenso à toute zone humide qui ferait l’objet d’un projet d’urbanisation, elle montre toutefois un signal fort envers les projets d’aménagement qui doivent plus que jamais être très attentifs à l’impact de leur projet sur les zones humides.

 

 

B/ L’absence de consultation de l’autorité environnementale : un motif désormais classique d’annulation complète d’un document d’urbanisme


En matière d’évaluation environnementale, depuis la directive 2001/42/CE (article 6), il existe pour les prescripteurs de plans et programmes une obligation stricte de recueillir l’avis d’une autorité compétente, qui a pour objet de permettre la bonne information du public et de l’autorité décisionnaire (qui ne peut d’ailleurs être effectif que si l’autorité environnementale est bien séparée de l’autorité décisionnaire). Cette obligation est reprise à l’article L. 121-12 du code de l’urbanisme. L’erreur du prescripteur d’un plan qui a … oublié ! de consulter l’autorité environnementale est suffisamment grave pour entrainer l’annulation du plan local d’urbanisme. En effet, on n’est pas ici que dans une simple formalité administrative, mais dans une condition essentielle de la bonne réalisation de l’information du public (on ne parle même pas de participation du public !), qui est repris dans l’article 7 de la charte de l’environnement, mais aussi parmi les objectifs de la directive 2001/42/CE sur les évaluations environnementales (l’évaluation environnementale n’a-t-elle pas d’ailleurs comme objet, notamment, d’informer le public sur les enjeux d’un plan ?). Ce n’est donc finalement pas tant l’absence de consultation de l’autorité environnementale qui est importante ici, c’est surtout le fait que cette consultation, même si elle avait eu lieu, n’a pas été versée aux documents composant le dossier d’enquête publique.

Sur ce point le jugement du TA de Rennes n’est nullement surprenant, ni isolé. Dans le même sens, on peut noter que le TA de Caen avait le 17 juin 2010 annulé le SCOT du Pays de Saint Lois pour la même raison, ou encore  que le TA de Pau avait annulé le 4 décembre 2009 le PLU de Parentis-en-Born.

 

C/ L’annulation partielle du PLU pour l’insuffisance partielle de son rapport de présentation  (qui veut sauver le macareux moine ?)


Les requérants ont porté l’attention du juge sur un des projets principaux portés lors de l’élaboration du PLU (un projet de « gros port pas sympa ») en démontrant que la partie du rapport de présentation qui portait sur le projet de port était insuffisante. Il est intéressant de noter que dans le cas présent, l’argumentation ayant porté exclusivement sur une partie du rapport de présentation, le PLU n’est pas entièrement annulé pour ce motif.

Le choix de contester le rapport de présentation marque d’ailleurs un retour à l’utilisation de jurisprudences antérieures aux nouveaux dispositifs relatifs aux évaluations environnementales (arrêt de principe du Conseil d’Etat du 22 novembre 1985 « commune de Longeville »). L’évaluation environnementale n’a pas fait disparaitre le rapport de présentation, qui a ses objectifs propres (article L.123-1-2 du code de l’urbanisme).

Les requérants s’appuient dans leur démonstration sur les contradictions entre le rapport de présentation qui porte sur le projet et l’étude d’impact qui avaient été réalisés deux ans plus tôt, et sur l’avis du préfet du Finistère (qui portait sur l’étude d’impact du projet). Le juge affirme « Il ne ressort pas des pièces du dossier que le rapport de présentation aurait procédé à une évaluation des incidences sur l’environnement dans l’anse du Diben, de la création de la zone 1AUpm destinée à y permettre l’implantation des infrastructures du port de plaisance ni exposé la manière dont le plan prend en compte le souci de la préservation de l’environnement à cet endroit, alors qu’il ressort de l’avis émis en mars 2010 par le préfet du Finistère sur le projet d’aménagement du port de plaisance, que l’étude d’impact afférente audit projet, dont il ne ressort pas au demeurant des pièces du dossier qu’elle aurait été réalisée à la date d’élaboration du rapport de présentation, ne contient aucune analyse ni évaluation de l’impact sur l’eau et le milieu marin, ne décrit pas les conséquences de l’augmentation de l’activité nautique sur l’environnement et ne prévoit aucune mesure de compensation de la destruction de l’écosystème marin par l’emprise portuaire. ». Les requérants ont aussi utilisé les documents publics qu’ils avaient à leur disposition, notamment par le biais de la proximité immédiate d’une ZNIEFF et d’une zone Natura 2000 qui pouvait les renseigner sur les enjeux environnementaux (protection d’oiseau), et qui avaient été ignorés par le rapport de présentation. Ils sont venus apporter des éléments concrets et appréciables par le juge pour démontrer les lacunes du rapport de présentation.



06/11/2012
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