De Lege Natura - Chroniques en Droit de l\'Environnement

Photovoltaïque : annulation partielle des arrêtés tarifaires par le Conseil d’Etat

 

 

 

 

Gaëlle Audrain-Demey

gaelle.audrain@yahoo.fr

14 avril 2012

 

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt très attendu, concernant la légalité de l’arrêté fixant les tarifs de rachat de l’énergie photovoltaïque du 12 février 2010, et de l’arrêté du 16 mars 2010 qui reprenait certaines de ces dispositions. Les deux arrêtés sont en grande partie validés par le Conseil, qui rejette cependant certains aspects contestés de ces textes.

 

Contexte

 

L'arrêté du 12 janvier 2010 est relatif à la revente à EDF de la production d'électricité d'origine solaire photovoltaïque. Il est la cible de nombreuses critiques, dont deux paraissent particulièrement notables :

 

-          Les dispositions de l’arrêté (annexe 1 et 2) violeraient le principe d’égalité en établissant une différence de traitement en fonction de la nature des activités hébergées par les bâtiments, sur le toit desquels étaient installés des panneaux photovoltaïques.

 

-          Les dispositions de l’article 6 de l’arrêté violeraient également le principe de non-rétroactivité des actes administratifs. En effet, il prévoit qu’ « un producteur qui a déposé une demande complète de contrat d’achat sur la base de l’arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 pour une installation dont la mise en service n’est pas intervenue avant la date de publication du présent arrêté peut déposer une nouvelle demande de contrat d’achat sur la base du présent arrêté ». Le communiqué de presse du Ministère de l’Ecologie en date du 13 janvier 2010 avait confirmé l’effet rétroactif du nouvel arrêté : "Une bulle spéculative s'étant développée depuis le mois de novembre 2009, le Gouvernement a décidé que les projets pour lesquels la demande d'achat de l'électricité a été formulée à compter du 1er novembre 2009 et n'ayant pas fait l'objet d'une demande complète de raccordement au réseau public le 11 janvier 2010 devront faire l'objet d'une nouvelle demande d'achat de l'électricité aux nouvelles". L’article 6 de l’arrêté avait été, ensuite, validé par la loi Grenelle 2.

 

L’illégalité partielle de l’arrêté

 

Concernant la violation du principe d’égalité par l’arrêté du 12 janvier 2010 modifié par l’arrêté du 15 janvier 2010, le Conseil d’Etat estime qu’il est possible pour les auteurs du décret de « prévoir des conditions tarifaires plus avantageuses au profit des installations intégrées au bâti présentant une complexité particulière, en raison du coût plus élevé des investissements nécessaires et de celui de leur maintenance, et moduler le tarif de certaines installations en fonction de la zone géographique, du fait soit du coût de l'investissement, soit de l'ensoleillement constaté et donc des bénéfices susceptibles d'être retirés de l'installation, sans être tenus d'appliquer une telle modulation à toutes les catégories d'installations ; qu'ils pouvaient également privilégier les techniques favorisant la compétitivité de l'activité économique et la maîtrise des choix technologiques d'avenir. ». En effet, les dispositions de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 précisent que les conditions d'achat de l'électricité entrant dans le champ de l'obligation d'achat doivent prendre en compte les coûts d'investissement et d'exploitation évités par Electricité de France ou tout autre distributeur. De  plus, la contribution à la réalisation des objectifs définis au deuxième alinéa de l'article 1er de la même loi, et tenant "à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir » doit être prise en compte.

 

Malgré cela, le Conseil d’Etat estime que certaines des dispositions, présentes notamment au sein des annexes 1 et 2,  sont contraires au principe d’égalité. En effet, il considère que la nature de l’utilisation des bâtiments ne peut influer sur la rentabilité prévisible des installations ou sur leurs contributions aux objectifs précédemment cités. Par conséquent, les dispositions de l’annexe 1 et 2 qui créées des conditions tarifaires plus favorables pour les systèmes installés sur la toiture de bâtiments affectés à un usage d’habitation, sont annulées.

 

Voici la nouvelle formulation des annexes 1 et 2 de l’arrêté du 12 janvier 2010, après la décision du Conseil d’Etat :

 

Annexe 1 ;

 

2. [Le premier paragraphe est annulé]

Pour les installations bénéficiant de la prime d'intégration au bâti situées sur d'autres bâtiments, le tarif applicable à l'énergie active fournie est égal à 50 c€/kWh.

 

Annexe 2 :

 

1.1. Le système photovoltaïque est installé sur la toiture d’un bâtiment clos (sur toutes les faces latérales) et couvert, assurant la protection des personnes, des animaux, des biens ou des activités. A l’exception des bâtiments à usage principal d’habitation, le système photovoltaïque est installé au moins 2 ans après la date d’achèvement du bâtiment. Le système photovoltaïque est installé dans le plan de ladite toiture.

 

De plus, pour faire bonne mesure, le Conseil d’Etat annule l'article 2, en tant qu'il prévoit l'application des conditions d'achat de l'électricité définies par l'arrêté du 12 janvier 2010, et les mots "à l'exception des bâtiments à usage principal d'habitation" de l'article 4 de l'arrêté du 16 mars 2010 relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil.

 

 

L’absence de violation du principe de non-rétroactivité


Les demandeurs soutenaient que la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, qui avait validé, à posteriori, les dispositions rétroactives de l’arrêté contesté étaient manifestement illégales. En effet, un procès étant en cours à l’encontre de ces dispositions, cette intervention législative violait le principe de l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, concernant le droit de chacun à la tenue d’un procès équitable. Dans un premier temps, le Conseil rappelle que : « lorsque sont en cause des droits et obligations de caractère civil, l'adoption de mesures législatives à portée rétroactive qui feraient obstacle à ce qu'une décision faisant l'objet d'un procès en cours puisse être utilement contestée n'est compatible avec le droit de toute personne à un procès équitable que si l'intervention de ces mesures est justifiée par d'impérieux motifs d'intérêt général ». En l’espèce, l’intérêt général parait caractérisé puisque la loi « n'a pas eu pour effet de supprimer ni donc de remettre en cause la substance du droit dont disposent les producteurs d'énergie radiative du soleil de bénéficier de l'obligation d'achat de l'électricité d'origine photovoltaïque à un tarif très supérieur à celui du marché mais seulement, pour des demandes formées au plus huit mois et demi avant son intervention, d'en aménager les modalités d'exercice en fixant ce tarif à un niveau plus adapté au coût de la production de cette électricité ». L’intérêt général de l’intervention législative est donc prouvé pour le Conseil d’Etat, qui écarte la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs.


Conclusion

 

La majeure partie des arguments des nombreux demandeurs a donc été rejetée par le Conseil d’Etat. Cependant, les modifications de l’arrêté, si elles ne paraissent pas substantielles, ne sont pas, pour autant, anecdotiques. L’arrêt apprécie strictement les justifications qui peuvent être apportées à la création de conditions tarifaires de rachat plus favorables. La nature des activités hébergées par le bâtiment ne peut-être un élément à prendre en compte, si elles ne concourent pas à la réalisation des objectifs économiques et environnementaux prévus par l’article 1er de la loi du 10 février 2000. Cette différence de traitement, qui avait été particulièrement contestée par les agriculteurs, n’est donc pas fondée juridiquement.

 

La décision du Conseil d’Etat, très dense, n’est pas de nature à permettre la stabilité nécessaire à la croissante du secteur photovoltaïque français, déjà mise à mal à de nombreuses reprises. Le moratoire suspendant l’obligation d’achat du 9 décembre 2010, ou la baisse caractérisée des tarifs d’achats sont des exemples assez saisissants. L’insécurité juridique est un frein dont il ne faudrait pas minorer l’influence, et qui est de nature à casser les dynamiques engagées par les producteurs de ce type d’énergie.

 

 

Pour citer cet article : Gaëlle Audrain-Demey, « Photovoltaïque : annulation partielle des arrêtés tarifaires par le Conseil d’Etat », De Lege Natura (de-lege-natura.com), 14 avril 2012.



15/04/2012
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