De Lege Natura - Chroniques en Droit de l\'Environnement

Actualités juridiques de l'éolien offshore

Le 27 février 2012

Par Gaëlle Audrain-Demey

 

La France possède le 2ème domaine maritime le plus étendu du monde (11 millions de kilomètres²). Le développement des énergies renouvelables maritimes semble être un choix logique dans une optique de diversification du bouquet énergétique. Pourtant, la France accuse un retard important vis-à-vis des pays de l’Europe du Nord qui ont démarré le développement de ces filières beaucoup plus tôt. L’appel d’offre lancé le 11 juillet 2011 et qui s’est clôt le 11 janvier 2012 a pour objectif de lancer une véritable filière française dans ce domaine. Il porte sur une puissance maximale de 3000 MW répartie sur cinq lots : Le Tréport Fécamp Courseulles-sur-mer Saint-Brieuc Saint-Nazaire. Les résultats de cet appel d’offre seront connus moins de deux mois et trois semaines après sa clôture, par conséquent en avril 2012.

 

Rôle des services de l'Etat dans l'appréciation des candidatures

 

Une circulaire du 23 décembre 2011 relative à la mise en œuvre de l’appel d’offre éolien en mer du 11 juillet 2011 et portant sur la phase d’instruction est venue préciser l’action des services de l’état pour l’instruction des dossiers présentés par les candidats.

« Ces avis prendront la forme prévue à l’annexe 6 du cahier des charges, c’est-à-dire celle d’un texte exposant de manière argumentée la position des services de l’État compétents. Ils ne doivent pas noter le critère en question, mais donner les éléments d’appréciation utiles à sa notation. Par ailleurs, les avis émis sur la base des documents de différents candidats examinés sous l’angle d’un des critères doivent pouvoir permettre une discrimination des offres de ces candidats. Ainsi, les arguments développés dans les avis seront suffisamment étayés pour différencier des offres de qualité apparente similaire. »

La circulaire précise également que « Il est important de noter que les avis motivés demandés ne lient en aucune manière l’avis de la CRE. Ils ne sont donc nullement contraignants. »

 

Volonté de créer une filière industrielle française

 

Le cahier des charges de cet appel d’offre démontre très clairement la volonté de mettre en place une filière française en matière d’éolienne offshore, capable de contrebalancer l’avance prise par ses partenaires (et concurrents) européens. Contrairement à ces derniers, l’objectif français est de créer une filière industriellement implantée sur son territoire. Le cahier des charges est tout particulièrement développé sur le programme industriel des candidats, notamment sur les partenariats industriels conclus et envisagés (p.10 du cahier des charges de l’appel d’offres n° 2011/S 126-208873 portant sur des installations éoliennes de production d’électricité en mer en France métropolitaine). Il est, à cet effet, tout à fait significatif que les candidats aient l'obligation de  préciser : « Les accords envisagés de sous-traitance de premier et de second rang, incluant la part réservée aux PME. », ainsi que « Les moyens par lesquels il envisage de contribuer au développement des entreprises dans tous les domaines liés à l’implantation du parc éolien (notamment fabrication des composants électriques et mécaniques, assemblage, manutention portuaire, stockage, transport terrestre et maritime, installation en mer, maintenance), en précisant les pôles géographiques d’implantation de ces activités. ». Cette volonté de développer le tissu industriel français dans le domaine de l’éolien offshore se constate également concernant la pondération des critères d’appréciation des différents projets qui seront soumis à l’évaluation de la CRE (Commission de Régulation de l'Energie). Sur 100 points, le prix de l’énergie produite comptera pour 40, ce qui sera également le cas du volet industriel. Le respect des activités existantes et de la mer en général sera évalué sur 20 points restants (page 30 du cahier des charges). Peu de cas semble être fait de ce dernier critère. Pourtant, si l’on observe les freins actuels à la création d’une filière industrielle concernant l’éolien offshore en France, le rejet local n'est pas à négliger.

 

Freins au développement de la filière

 

En effet, les recours associatifs qui s'opposent à des projets d'implantation d'éoliennes sont autant de blocages et de ralentissement du processus. L'exemple du projet de Veulette-sur-Mer est pertinent pour illustrer ce phénomène. Bloqué par de nombreux recours associatifs, le projet lancé début 2004 n'a toujours pas connu un début de réalisation. A l'heure actuelle, aucune éolienne offshore n'a été mise en service en France.

 

NB : A noter toutefois, un jugement en référé, favorable à l'éolien offshore : le rejet par le tribunal administratif de Nantes, en date du 27 octobre 2011 du référé de Bretagne Vivante qui demandait la suspension du permis de construire précaire qui avait été accordé à Alstom pour l'expérimentation d'éoliennes marines sur le site du Carnet.

L’acceptabilité sociale des projets semble donc être un point à ne pas négliger dans l’instauration d’une filière industrielle française dans le domaine de l’éolien offshore. Même si l’appel d’offre n’apprécie le respect des usages concurrents de la mer, et de l’environnement, que sur 20%, les industriels dans leur gestion des projets devront apporter une grande attention à la question.

 

Cependant, il existe d’autres freins, à l’instauration d’une telle filière. Le cadre juridique français est considéré comme complexe (multiples autorisations à obtenir), contraignant, bénéficiant d’une stabilité toute relative (voir la soumission des éoliennes au régime des ICPE) et enfin peu incitatif comparé au régime allemand ou danois. Le décret n°2012-41 du 12 janvier 2012 relatif aux installations de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable a fait œuvre de simplification en appliquant les dispositions de la loi du 12 juillet 2010 (dite Grenelle 2)  : « sont dispensées de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature et de leur implantation sur le domaine public maritime immergé au-delà de la laisse de la basse mer, les installations de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux publics d'électricité notamment les éoliennes, les hydroliennes, les installations houlomotrices et marémotrices ainsi que celles utilisant l'énergie thermique des mers. ». Un permis de construire ne sera donc plus nécessaire, ce qui semble logique compte tenu du lieu d'implantation de tels ouvrages.

 

D’autres modifications peuvent être suggérées afin de simplifier davantage le cadre juridique de l'éolien offshore, notamment l'instauration d'un système de  « guichet unique » pour toutes les procédures (autorisation de construire sur le domaine public maritime, autorisation d'exploitation, autorisation au titre de la loi sur l'eau...).

 

De plus, l'arrêt de la CAA de Nantes en date du 28 janvier 2011 n°08NT01037, Sté Néo Plouvien a jeté le trouble concernant l'application de la loi littorale, et donc de l'obligation pour les opérations d'urbanisme d'être réalisées en continuité d'une agglomération ou d'un village existant. En effet, la Cour a estimé que la mise en place d'un parc éolien (terrestre) constituait une opération d'urbanisation telle que celle visées par la loi littorale et donc, devait respecter ses prescriptions. Bien entendu, compte tenu de la situation spécifique et du lieu d'implantation des éoliennes offshore (domaine public maritime), on peut douter que l'arrêt en question soit transposable. Mais certains auteurs conservent des inquiétudes à ce sujet, et on ne peut qu'y voir le résultat de la complexité du droit français dans le domaine éolien.

 

 



27/02/2012
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