De Lege Natura - Chroniques en Droit de l\'Environnement

La planification environnementale (1)

 

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Par Gaëlle Audrain-Demey 

8 avril 2013 

 

Qu’est-ce que la planification environnementale ? On peut la définir comme l’encadrement par les pouvoirs publics de la protection de l’environnement à l’aide d’un plan. L’environnement est constitué de tout ce qui entoure l’homme (l’environné) qu’il s’agisse d’éléments naturels ou artificiels. Ce n’est pas seulement la nature qui est concernée par ce droit. L’environnement, est une notion qui est manifestement anthropocentriste, bien que cela ait suscité des controverses doctrinales [1]. Le droit de l’environnement constitue donc, de ce point de vue, le droit ayant vocation à préserver le cadre de vie de l'homme de la manière la plus efficace possible en protégeant les éléments essentiel, et en luttant contre les nuisances. 

 

La planification environnementale, qui paradoxalement a commencé à s’accroître au moment même ou l’utilisation du plan en matière économique faiblissait, se complexifie. Difficile d’évoquer tous les schémas et plan sans tomber dans un effet « catalogue », par conséquent nous ne citerons que les plus importants, à titre d’exemple pour illustrer un propos général. 

 

Pourquoi mettre en œuvre une planification environnementale ? Il s’agit d’une démarche stratégique, qui donne des orientations, des directions à suivre, des règles à appliquer de manière plus ou moins précise afin de parvenir à un objectif donné. 

 

En matière de développement durable, la pertinence du plan n’est que difficilement contestable. Afin de garantir que les voies poursuivies pour se développer soient conformes aux principes du développement durable, un plan élaboré pour fixer des règles permettant, à long terme, de maintenir l’équilibre entre les trois domaines (économique, social, environnemental) parait dans l’esprit du concept. Une organisation dans le temps et dans l’espace des mesures permettant de préserver, de réhabiliter, et parfois même d’améliorer l’environnement est aujourd’hui une méthode largement utilisée par le législateur. De multiples instruments interviennent à ce titre, dans des domaines particuliers, constituant une planification sectorielle. Cependant certains documents d’urbanisme en eux-même doivent, d’ores et déjà intégrer des considérations environnementales en leur sein. Lorsqu’il s’agit de planification externe, il leur faut bien souvent s’intégrer dans un enchevêtrement complexe de normes, de plan et de schémas préexistants, ce qui pose le problème de la cohérence de l’ensemble. 

 

 

Les PLU et les SCOT : le verdissement des documents d’urbanisme locaux  

 

 

Pour J.Morand-Deviller, « l’environnement s’urbanise, l’urbanisme s’environnementalise ». Il est désormais admis que la protection de l’environnement est devenue véritablement une finalité du droit de l’urbanisme. Il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter à la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement (« Grenelle I ») notamment en son article 7 concernant les objectifs du droit de l’urbanisme, ainsi qu'à la loi Grenelle II, et plus précisément à son volet « urbanisme » qui vise à renforcer la prise en compte des objectifs environnementaux et de développement durable par les documents d’urbanisme. 

 

L’article L.122-1 du Code de l’environnement rappelle à son alinéa 1 que : « Les travaux et projets d’aménagement qui sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d’approbation, ainsi que les documents d’urbanisme, doivent respecter les préoccupations d’environnement ». Le fait que parmi les documents soumis à l’obligation d’évaluation environnementale se trouvent les SCOT et les PLU n’est pas non plus indifférent à leur verdissement (article L.121-10 du Code de l’urbanisme). Cette obligation découle de la Directive 2001/42 du 27 juin 2001 qui concerne l’évaluation environnementale des plans et programmes. Devoir évaluer l’impact d’un projet, et soumettre cette évaluation à enquête publique ne peut pas n'avoir aucune conséquence sur la manière dont sont envisagées ces planifications par ceux qui les réalisent. Les enjeux environnementaux sont intégrés à la réflexion en amont, et les porteurs de projets doivent exposer pourquoi les choix qu’ils proposent ont été retenus, au regard des considérations environnementales mentionnées. 

 

La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 dite Loi SRU avait déjà initié le phénomène et la loi Grenelle II engage plus largement, ce qui peut être considéré comme un « verdissement » des plans locaux d'urbanisme. De nouveaux objectifs et de nouvelles démarches sont confiés aux PLU et aux SCOT. Ces documents d'urbanisme doivent aujourd’hui traiter de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (voir article L.110 du Code de l’urbanisme), du développement des énergies produites à partir de ressources renouvelables (nouvel article L.121-1 du Code de l'urbanisme) de mise en place des trames vertes et bleues (création de la loi Grenelle II)…. 

 

La loi Grenelle II donne une grande priorité à la gestion économe de l’espace ainsi qu’à la densification urbaine, qui ne sont finalement que les deux aspects d’une même question. Le rapport de présentation du SCOT doit « présenter une analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant ». Il doit également poser des « objectifs chiffrés de limitation de cette consommation compris dans le document d'orientation et d'objectifs » (article L.122-1-2 du Code de l’urbanisme), ainsi que les justifier. 

 

Lors du Grenelle de l’Environnement, le SCOT avait été désigné comme l’échelon central en matière de politique environnementale décentralisée, et son verdissement devait être un des points centraux de la loi. Même si le SCOT a évolué, comme l’exemple précédent le démontre, les principaux changements concernent des possibilités qui ont été ouvertes pour les élus, qui doivent en prendre l’initiative. Elles sont présentes à l'article  L.122-1-5 du Code de l'urbanisme :
 

 

" Il peut déterminer des secteurs dans lesquels l'ouverture de nouvelles zones à l'urbanisation est subordonnée à leur desserte par les transports collectifs. "

 

"Il peut étendre l'application de l'article L. 111-1-4 à d'autres routes que celles mentionnées au premier alinéa dudit article."

 

"Pour la réalisation des objectifs définis à l'article L. 122-1-4, il peut, en fonction des circonstances locales, imposer préalablement à toute ouverture à l'urbanisation d'un secteur nouveau :

1° L'utilisation de terrains situés en zone urbanisée et desservis par les équipements mentionnés à l'article L. 111-4 ;

2° La réalisation d'une étude d'impact prévue par l'article L. 122-1 du code de l'environnement ;

3° La réalisation d'une étude de densification des zones déjà urbanisées."

 

"Il peut définir des secteurs dans lesquels l'ouverture de nouvelles zones à l'urbanisation est subordonnée à l'obligation pour les constructions, travaux, installations et aménagements de respecter :

1° Soit des performances énergétiques et environnementales renforcées ;

2° Soit des critères de qualité renforcés en matière d'infrastructures et réseaux de communications électroniques."

 

...

 

Difficile de nier le potentiel de l'ouverture de ces nouveaux champs d'action pour les SCOT. Il est évidemment intéressant pour les auteurs de ce schéma de pouvoir agir sur ces plans, cependant le risque que les acteurs locaux délaissent ces possibilités est également présent. 

 

Les documents d'urbanisme locaux ne sont pas seulement concernés, de manière interne par le développement de la planification environnementale. Leurs dispositions doivent également absorber une planification externe, qui impacte néanmoins leur contenu.
 

 

Les relations juridiques entre ces documents d’urbanisme et  les autres planifications externes 


 

En droit de l’urbanisme,  la hiérarchie des normes est de plus en plus complexe, notamment en raison de la nécessité pour ce droit de prendre en compte des planifications relevant d’autres législations, et particulièrement du droit de l’environnement. Les relations entre ces différents documents doivent être organisées de manière à assurer leur cohérence globale. Trois types de rapport entre ces schémas et documents d’urbanisme sont utilisés par le droit. 

 

Rapport de conformité :

 

Parmi ceux-ci, le rapport de conformité est le plus exigeant et celui dont les conséquences directes sont les plus aisées à percevoir pour le juriste et le profane. Par nature, ce rapport exclut toute adaptation par le document hiérarchiquement inférieur, l’objectif étant de parvenir à des exigences identiques. Pour autant, des difficultés apparaissent avec ce rapport, la souplesse étant parfois nécessaire pour adapter un schéma global aux situations quotidiennes. Face à l’accroissement constant des planifications, qui ne sont pas toujours élaborées par des collectivités identiques, il devient de plus en plus difficile d’assurer un rapport de conformité entre tous. 

 

Rapport de compatibilité : 

 

Le rapport de compatibilité fait montre d’exigences plus souples dans le rapport entre deux schémas ou plan. La signification de ce terme est plus ambiguë que ne l’est la conformité. Dans le vocabulaire quotidien, elle s’emploi à propos de deux choses, susceptibles de se concilier. Dans une conception plus juridique, on peut définir la compatibilité comme le fait pour un document de ne pas comporter de dispositions manifestement contradictoire avec un autre document. 

 

« La compatibilité apparaît comme une notion souple étroitement liée aux considérations d’espèce et inspirée du souci de ne pas remettre en cause l’économie du projet de croissance sans pour autant figer le détail de sa réalisation. De la sorte, on peut s’éloigner du schéma mais certainement pas le contrarier » [2] (voir CE, 10 juin 1998, SA Leroy-Merlin, Lebon p. 221 ; BJDU 1997, n° 5), ou, plus récemment un arrêt du Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 12 décembre 2012, 353496). 

 

Prise en compte

 

La notion de prise en compte, dernier type de rapport qui sera examiné ici n’est pas nouvelle en droit de l’urbanisme, mais elle reste périphérique pour l’instant. Elle est cependant de nature à inquiéter l’observateur sur la cohérence future des divers documents. Une décision du Conseil d’Etat du 8 juin 1998 (n°178461) reconnait le caractère juridique de cette articulation, en acceptant d’examiner sa réalité dans l’espèce concernée. 

 

Cette notion est critiquée par de nombreux juristes, car il est loisible de penser qu’elle suppose simplement que les dispositions d’un autre schéma ne doivent pas être ignorées par le document qui doit les prendre en compte. Un simple rappel suffirait. Elle est donc largement moins contraignante que le rapport de compatibilité, même si elle a cependant une portée juridique réelle. L’arrêt du Conseil d’Etat du 9 juin 2004, Association Alsace Nature du Haut-Rhin le démontre, en effectuant un contrôle de la réalité de la prise en compte d’un SDAGE par une Déclaration d’utilité publique. Il semble considérer qu’il est tout à fait possible pour le document sur lequel pèse cette obligation de prise en compte, de déroger aux schémas supérieurs, dans la mesure où cela est justifié explicitement. 

 

Dans un prochain article nous détaillerons les documents de planification environnementale sectorielle, afin de dégager les orientations globales qui se émanent aujourd’hui de cette tendance générale du droit de l’environnement. 

 

 

Pour citer cet article « Gaëlle Audrain-Demey, La planification environnementale, De Lege Natura (www.de-lege-natura.com), 8 avril 2013 » 

 

Crédit photo : <a href="http://www.photo-libre.fr">Photos Libres</a>   

 



[1] Chantal Cans, « Plaidoyer pour un droit de l'environnement moins anthropocentriste », Revue de droit de l'environnement, n° 80, juillet-août 2000 

[2] Voir les Grands Arrêts du Droit de l’Urbanisme 



08/04/2013
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