De Lege Natura - Chroniques en Droit de l\'Environnement

Trame Verte et Bleue : une notion carrefour

 

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Gaëlle Audrain-Demey

25 mars 2012

 

Le 20 mars 2012, deux conventions ont été signés entre l'Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l'Environnement et la Fédération des Parcs naturels régionaux (PNR) de France et Parcs nationaux de France. Ces deux textes visent à promouvoir la « trame noire », qui s’ajouterait aux trames vertes et bleues mise en place par la loi Grenelle 2. Concrètement, il s’agit d’améliorer la qualité de la nuit dans ces espaces juridiquement protégés. En effet, la lumière artificielle peut-être considéré comme une nuisance pour certaines espèces qu’elle perturbe dans leurs comportements nocturne. Il s’agit donc de limiter les conséquences de ces nuisances lumineuses au sein des PNR et des parcs nationaux.

L’occasion est trop belle de se replonger dans les trames vertes et bleues de la loi Grenelle 2.

 

Une création de la loi Grenelle 2

 

L'article L. 371-1 du code de l'environnement, définit ces deux notions, qui ont été largement mis en avant durant le Grenelle 1, puis par la loi Grenelle 2. La trame verte comprend tout ou partie des espaces protégés au titre du livre III et du titre Ier du livre IV ainsi que les espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité ainsi que les corridors écologiques constitués des espaces naturels ou semi-naturels ainsi que des formations végétales linéaires ou ponctuelles, permettant de relier les espaces mentionnés au I de l'article L. 211-14.
La trame bleue comprend les cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux figurant sur les listes établies en application de l'article L. 214-17 , tout ou partie des zones humides dont la préservation ou la remise en bon état contribue à la réalisation des objectifs visés au IV de l'article L. 212-1, et notamment les zones humides mentionnées à l'artic
le L. 211-3.

 

L'objectif de la création de ces nouveaux outils est exposé par le même article qui dispose que « La trame verte et la trame bleue ont pour objectif d'enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural ». Il fixe six objectifs à l’instauration de ces corridors écologiques :

 

1° Diminuer la fragmentation et la vulnérabilité des habitats naturels et habitats d'espèces et prendre en compte leur déplacement dans le contexte du changement climatique ;

2° Identifier, préserver et relier les espaces importants pour la préservation de la biodiversité par des corridors écologiques ;

3° Mettre en œuvre les objectifs visés au IV de l'article L. 212-1 et préserver les zones humides visées aux 2° et 3° du III du présent article ;

4° Prendre en compte la biologie des espèces sauvages ;

5° Faciliter les échanges génétiques nécessaires à la survie des espèces de la faune et de la flore sauvages ;

6° Améliorer la qualité et la diversité des paysages.

 

Obligation de prise en compte


Selon l'article L. 371-3 du code de l'environnement, la région et l'Etat mettent en place un document-cadre régional : « le Schéma régional de cohérence écologique », en collaboration avec le Comité Régional « Trame Verte et Bleue ». Le décret n°2011-738 du 28 juin 2011  est venu fixer la composition et le fonctionnement de ce Comité, ce qui va permettre d'avancer dans la composition des schémas. Les trames vertes et bleues ont surtout vocation à être intégrées dans les documents locaux d'urbanisme, qui devront tenir compte de leur existence dans leurs prescriptions. D'après l'article L.111-1-1 du code de l’urbanisme les Plan Locaux d'Urbanisme (PLU) ainsi que les Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) doivent prendre en compte les Schéma régionaux de cohérence écologique. Selon l'article L.371-3 du code de l''environnement, les les plans et projets de niveau local et national doivent obligatoirement prendre en compte les trames vertes et bleues.

 

Cette obligation de prise en compte est peu concluante. Lorsque deux normes, deux documents possédant une valeur juridique sont susceptibles d'entrer en conflit, dont il faut organiser les rapports de nature hiérarchique entre eux, la manière s'organise leurs rapports. Ici, il s'agit d'une obligation de « prise en compte », la moins contraignante. Cela signifie qu'il est obligatoire de prendre en considération le document en question, c'est-à-dire de l'avoir consulté et d'en avoir intégré l'esprit. Il est donc juridiquement possible de s'en écarter. Pour plus de clarté, on peut faire la comparaison avec les obligations de compatibilité et de conformité, qui sont beaucoup plus contraignantes. L'obligation de compatibilité suppose que les deux documents ne se contredisent pas et que, de manière globale, leurs orientations soient proches. La conformité est le plus contraignant des rapports entre deux textes. Il faut que les deux documents se correspondent parfaitement sur tous leurs aspects, ils ne doivent, certes, pas se contredire, mais l'obligation va au delà.

Les arrêts du Conseil d'État semblent apprécier de manière très souple l'obligation de prise en compte, à tel point qu’il est loisible de se demander si le CE annulerait un document d’urbanisme qui serait contraire au Schéma régionaux de cohérence écologique, dans le cas ou il serait démontré que ses auteurs l'aurait pris en compte (par exemple, qu'une référence figurerait au sein du PLU contesté).

 

Une notion carrefour

 

La notion de trame verte et bleue est au carrefour du droit de l’environnement et du droit de l’urbanisme. En effet, les dispositions qui y sont relatives ont été introduites dans deux codes différents. Comme de nombreux aspect du droit de l’environnement, le concept est dépendant d’une autre matière juridique et se trouve dans une position ambivalente, qui peut s’avérer relativement gênante pour son application (notamment concernant le principe d'indépendance des législations). Cet aspect du droit de l'environnement a été particulièrement mis en relief en matière de législation minière par le rapport d’Arnaud Gossement : « Droit minier et droit de l’environnement : Eléments de réflexion pour une réforme relative à l’évaluation environnementale, à l’information et à la participation du public », datant du 12 octobre 2011. En matière de biodiversité, les trames vertes et bleues démontrent que le constat peut être similaire.

 

Cette notion manifeste une nouvelle vision de la protection de la biodiversité, compatible avec les deux autres qui ont été adoptées antérieurement : protection des espèces dans un premier temps, puis dans un second temps de leurs habitats. Dans les deux cas, il s'agissait d'initiatives européennes. Aujourd’hui la France développe une approche complémentaire avec la protection des corridors écologiques, qui touche à la fois les espèces et les espaces.

 

Pour l’instant, les études sur les corridors écologiques avancent, avant leur mise en œuvre concrète. En effet, des analyses paraissent nécessaires sur le sujet, qui demande une grande précision scientifique, au regard de l'étendue des zones visées (qui peuvent être de tailles très différentes). Savoir où placer ces fameuses lignes parait complexe, et comme souvent en droit de l’environnement, l’analyse scientifique précède l’action juridique. Lorsqu’elles seront généralisées, il conviendra d'observer attentivement la manière dont les documents d'urbanismes locaux les prendront en compte.

 



25/03/2012
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