De Lege Natura - Chroniques en Droit de l\'Environnement

Le droit international de l’environnement en Arctique : des améliorations potentielles ? (2)

 

 

Par Gaëlle Audrain-Demey

 

 

L’apport de la déclaration de Nuuk du 12 mai 2011

 

La Déclaration de Nuuk du 12 mai 2011, affiche une volonté marquée de renforcer le Conseil de l’Arctique, c’est d’ailleurs le sujet principal de la première partie de ce texte. Une des avancées principales est la création d’un secrétariat fixe, réclamée depuis bien longtemps par certains membres et par les ONG internationales. Il sera basé à Tromsø, en Norvège. La présidence des pays scandinaves (Norvège, Danemark et Suède), de 2006 à 2013 n’est pas étrangère à cette avancée puisqu’ils avaient fait le choix d’établir un secrétariat commun, déjà situé dans cette même ville. Cette organisation a montré ces avantages et, profitant des bases déjà établies, les Etats membres ont choisit cette même ville pour y installer définitivement le secrétariat, avant 2013. La plupart des grandes Conventions fonctionnent avec un secrétariat fixe depuis longtemps, on peut citer par  exemple la Convention d’Oslo-Paris (OSPAR), la Convention de Stockholm sur les polluants organiques
persistants, ou encore la Convention de Ramsar sur les zones humides d’importance internationales du 21 septembre 1975 dont le secrétariat est accueilli dans les locaux de l’UICN de Genève.

        

    La réunion de Nuuk de mai 2011 a également été l'occasion pour les Etats d'annoncer la signature du premier traité contraignant négocié sous les hospices du Conseil de l'Arctique : l'Accord de Coopération en Matière de Recherche et de Sauvetage Aéronautiques et Maritimes dans l'Arctique. Ce nouvel instrument est à la fois un espoir et une déception. En effet, depuis la création du Conseil de l'Arctique, un traité environnemental contraignant est attendu, notamment par les ONG. Et jusqu'à mai 2011, aucun instrument de ce type n'avait jamais été adopté, ni même évoqué par les Etats, ce qui faisait douter de la possibilité de  le voir émerger. Cette « inertie textuelle » encourageait les défenseurs d'une solution externe au Conseil, d'une négociation internationale pour créer un nouveau régime pour l'Arctique. Le traité du 12 mai 2011 n'est cependant pas le fameux traité à visée environnementale attendu. Il s'agit d'un accord visant à accroitre la coopération en matière de recherche et de sauvetage, dans une zone ou ces deux aspects nécessitent d’importants investissements, et de nombreuses précautions.

 

 

Le refus de la création d'un nouveau traité par les Etats côtiers

 

Le traité sur l’Antarctique de 1959 et son protocole signé à Madrid en 1991 sont souvent invoqués en tant qu’exemples à suivre pour les Etats côtiers de l’Arctique. En effet, il s’agit d’instruments de droit international contraignants spécifiques à l’Antarctique qui sont considérés comme très efficaces. Ce traité gèle les prétentions territoriales des Etats sur le continent. De cette manière, il parvient à être acceptable à la fois par ceux qui ont des prétentions sur des zones de la région, et par ceux qui s’y opposent. Il protège l’environnement de l’Antarctique dans sa globalité et son originalité, introduisant de nombreux éléments de prévention et de précaution dans les démarches scientifiques, touristiques et économiques des Etats. De plus, il a été décidé dedémilitariser entièrement l’Antarctique et de le considérer en tant que « réserve consacrée à la paix et la science »[1]. Il s’agit exemple de coopération internationale réussissant à dépasser des prétentions territoriales. En outre, les similitudes géographiques et climatiques entre cette région et l’Arctique conduisent mécaniquement à s’interroger sur la différence de traitement juridique entre les deux.

 

Si l’on étudie profondément la nature et les enjeux de l’Arctique et de l’Antarctique on constate que leurs différences sont nettement plus nombreuses que leurs points communs. En premier lieu, il existe une différence majeure de nature : l’Arctique est un océan entouré de terre, l’Antarctique est un continent entouré d'océans. Par conséquent, le droit international qui s’y applique est différent, l’Arctique relevant de la Convention Internationale des Nations-Unies pour le droit de la mer. Il faut également noter que la question des ressources exploitables dans ces régions n’est pas indifférente à leur différence de traitement juridique. En effet, pour l’instant, il n’existe pas d’estimation des quantités de pétrole et de gaz présentes en Antarctique car leur exploitation n’est pas possible à court ou moyen terme, ce qui est loin d’être le cas, nous l’avons vu, en Arctique. De plus, l’intérêt de ces régions du point de vue de la stratégie militaire est loin d’être identique. L’Antarctique n’a jamais été considéré comme une zone clé, alors que l’Arctique, de par sa position géographique, est depuis le début de la guerre froide un enjeu militaire important.

 

Ces différences majeures font qu’il ne parait ni possible ni pertinent de dupliquer le droit international de l’environnement de l’Antarctique en Arctique. Un tel droit ne peut jamais être apprécié en dehors des caractéristiques de la région qu’il encadre. Il ne s’agit pas d’un droit objectif qui peut être transposé, sans de profondes modifications dans une autre zone du globe. Il est évident que le droit international est un droit issu d’une volonté partagée des Etats qui négocient afin d’aboutir à un texte acceptable par la majorité d’entre eux.


Cette négociation ne peut se faire de manière objective, détachée descaractéristiques du territoire et de ses enjeux. Dans le cas de l’Arctique, ilest absolument impensable d’aboutir à un gel des revendications territoriales. Ce constatn'empêche pas que d’autres idées puissent être abordées, visant à créer un nouvel instrument de droit international en Arctique. L’adoption d’un traité régional, conclu uniquement entre les Etats dont une portion du territoire est contenue dans la zone considérée comme arctique, parait pertinente au regard dela nature de la région. L'élaboration d'un traité de ce type est la solution retenue de nombreux auteurs comme Linda Nowlan, expert de l'UICN sur la
question[2].Les Etats côtiers ne semblent cependant pas privilégier la création de ce type d’instrument de droit international. Le 28 mai 2008, dans la Déclaration d’Ilulissat, les Etats ont repoussé cette idée en affirmant que le droit en vigueur dans la région était suffisamment développé et solide pour la protéger.

 

            A la lueur des avancées de la réunion de Nuuk de mai 2011, il semble bien que le choix des Etats face aux défis environnementaux de la région Arctique soit de développer une institution existante : le Conseil de l’Arctique. Dans la mesure où le droit international de l‘environnement en vigueur dans la région souffre d’un problème qualitatif plutôt que quantitatif, ce choix peut paraître pertinent. Pourtant, les transformations à réaliser pour rendre le Conseil de l’Arctique véritablement opérant pour lutter contre les dégradations de l’environnement sont importantes. Le comportement des Etats membres dans les prochaines années sera déterminant, et il conviendra de l’observer pour savoir si le développement du Conseil de l’Arctique  est à la hauteur des premiers pas qui ont été faits à Nuuk.

 

 

Gaëlle Audrain-Demey, Le droit international de l’environnement en Arctique : des améliorations potentielles ?, De Lege Natura (de-lege-natura.com – Chroniques en droit de l’environnement), 27 septembre 2012

 

Pour toutes informations complémentaires sur le droit international de l’environnement en Arctique
n’hésitez pas à me contacter : gaelle.audrain@yahoo.fr



[1]                     
Article 2 du Protocole au Traité sur l'Antarctique, signée le 4 octobre 1991 à
Madrid

[2]             
Linda Nowlan, « Arctic Legal Regime for Environmental.
Protection », IUCN Environmental Policy and Law Paper No. 44, IUCN

 



01/10/2012
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