De Lege Natura - Chroniques en Droit de l\'Environnement

Rio+20 : des espoirs et des craintes

 

 

 

Gaëlle Audrain-Demey

23 avril 2012


Rapide retour sur les origines : Rio 1992

 

Le troisième sommet de la Terre s'est tenu  à Rio de Janeiro (Brésil) du 3 au 14 juin 1992. 172 gouvernements se sont réunis afin de trouver une position commune vis à vis des défis économiques et environnementaux de cette fin de XXème siècle. Le concept de développement durable avait particulièrement été mis en avant, pour sa capacité à créer une cohérence entre les logiques environnementales, sociales, économiques. Le chemin avait été balisé par les rapports fondateurs de ce concept, qui étaient parvenus à démontrer son intérêt pour la « société » internationale : on peut citer le rapport sur la croissance du Club de Rome, ou encore le rapport Brundtland, du nom de la présidente (Gro Harlem Brundtland) de la Commission ayant produit ce texte en 1987. Ce dernier document est à l'origine de la définition du développement durable qui est devenu la référence internationale : "Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs". 

La dimension participative du premier sommet de la terre avait été unanimement saluée, et la participation de la société civile (associations, entreprises, collectivités territoriales...), a été l'un des facteurs du succès et de l'enthousiasme qui a présidé à ce rendez-vous international.

Des textes fondateurs y sont été négociés, puis signés :

-        La Déclaration de Rio sur l'Environnement et le Développement, résultat d'un compromis entre la position des pays industrialisés et celle des pays en développement.  Petit bémol, cette déclaration n'est pas juridiquement contraignante.

-        Action 21, un plan d’action détaillé, visant à assurer une coopération et une cohérence mondiale dans tous les domaines du développement durable

-        La Convention sur la Diversité Biologique (CDB)

-        La Convention-Cadre sur le Changement Climatique

 

Un rendez-vous avec l'avenir : Rio 2012

 

Vingt ans après, retour à Rio. Les Etats ont à la fois rendez-vous avec leur bilan, mais aussi avec leur avenir. Du 20 au 22 juin 2012 (on peut d’ailleurs comparer la durée de ce sommet à celle de 1992...), les pays membres de l’ONU ainsi que des représentants de la société civile, des collectivités territoriales et des entreprises participeront au sommet Rio+20.

En 2010, deux thèmes ont été retenus afin de cadrer les débats et les négociations:

 

1)      Économie verte et éradication de la pauvreté dans le cadre du développement durable

2)      Gouvernance internationale.

 

De nombreuses organisations, groupes, associations ont d'ores et déjà publié des appels et des manifeste afin de préparer le rendez-vous, exposant leurs analyses, leurs bilans, et leurs attentes.

 

La Déclaration des Collectivités Locales et Territoriales en vue de Rio+20 a été rédigée dans le cadre des Assises Nationales du Développement Durable en France, organisées par la Région Midi-Pyrénées à Toulouse, en octobre 2011. Cette déclaration tente de déterminer le niveau auquel les compétences doivent être mise en œuvre, dans l'esprit « penser global, agir local ». La recherche de solution doit être privilégiée au niveau mondial, notamment en raison de l'interdépendance des milieux, qui ne connaissent pas de frontières terrestres, maritimes ou aériennes. Les collectivités locales ont cependant un rôle essentiel à jouer, car elles sont en première ligne pour appliquer les grandes orientations décidées au niveau mondial. De plus, elles sont au contact quotidien avec le citoyen et ont vocation à mettre en œuvre les principes d'information et de participations. Depuis 1992,  les collectivités locales françaises se sont investies dans la mise en œuvre du concept de développement durable et notamment par la préparation et l'application des programmes agenda 21. Les agendas 21 locaux sont une des principales traductions de l’intégration du développement durable dans les politiques publiques.

 

En guide de conclusion de la déclaration, les collectivités locales détaillent leurs engagements. On peut citer notamment la volonté de s'inscrire dans la continuité de Rio 92 à travers la conception du développement durable liant soutenabilité écologique, justice sociale et promotion des démarches territoriales de développement durable, de promouvoir la transition vers des territoires soutenables, solidaires et équitables, ou encore de Favoriser l’accès à l’information et assurer la participation des citoyens à la vie publique, à l’élaboration des politiques publiques et à leur évaluation. Il faut également noter la volonté de développer après la conférence de Rio une nouvelle génération d’agendas 21 et autres projets territoriaux de développement durable

 

 

Les juristes et les associations de droit de l'environnement ont également lancé un appel pour Rio +20,  ouvert à la signature le 1er octobre 2011.  Cet appel réaffirme la place centrale du droit de l'environnement au plan international, régional, national et local pour l'amélioration globale de la qualité de l'environnement. Depuis 1992, ce droit s'est fortement développé, notamment au niveau communautaire et national. On est passé du droit portant sur l'environnement à un véritable droit de l'environnement, qui a vocation à protéger spécifiquement des ressources et des espaces. Cette évolution, particulièrement remarquable concernant la protection de la biodiversité a été signalée par plusieurs grands textes. Au niveau national, la loi Grenelle 2, sous le prisme de la lutte contre le réchauffement climatique a mis la protection de l'environnement au premier plan de l'actualité, malgré la mise en œuvre plus contrastée dont elle a été l'objet. Rio+20 doit être l'occasion de réaffirmer la place centrale du droit dans les mécanismes de protection de l'environnement, et surtout l'effectivité, la mise en application concrète qui doit accompagner l'élaboration des textes. La nécessité de l’intégration des considérations environnementales dans les autres politiques publiques est également mis en exergue par l'appel des juristes. Il s’agit de faire de la protection de l’environnement une des dimensions de toute décision, au même titre que des considérations sociales ou économiques. Le principe d'intégration est certainement le plus complexe des principes du droit de l'environnement à mettre en œuvre.

 

De manière notable, cet appel demande aux Etat de consacrer un principe de non-régression en droit de l’environnement. Comme l'affirme Michel Prieur « Tout recul ou toute régression dans le niveau de protection de l'environnement irait à l'encontre de la finalité même des politiques de l'environnement. Cette hypothèse est renforcée par la reconnaissance dans certains pays de clauses constitutionnelles irréversibles et par la reconnaissance de l'environnement comme un nouveau droit de l'homme. Certaines décisions en matière de droits sociaux étendues au droit à l'environnement reconnaissent l'interdiction de diminuer ou réduire les droits existants qui doivent toujours viser à l'effectivité grâce à une protection progressive qui exclut juridiquement la régression ». Ce principe a été repris par la résolution  du 29 septembre 2011 du Parlement européen concernant l'élaboration d'une position commune de l'Union dans la perspective de la conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20). De plus, le Brésil, pays a également abordé la question dans son texte soumis au secrétariat de la conférence le 1er novembre 2011.

 

Création d’une organisation mondiale de l’environnement (OME)

 

La création d’une Organisation Mondiale de l’Environnement (OME), institution spécialisée des Nations Unies regroupant tous les États avec de nouvelles missions est aussi avancée par cet appel. Elle devrait être « dotée d’importants moyens et capable de renforcer les actions entreprises par le Programme des Nations Unies pour l’environnement ».

 

La France souhaite également que soit actée à « Rio+20 » la mise en place d’une Organisation telle organisation.  Il s’agit d’une volonté qui n’est pas récente, à de nombreuse reprise la question a été posée (Mondialisation : une chance pour l'environnement ? Rapport d'information n° 233 (2003-2004) de M. Serge LEPELTIER, fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 3 mars 2004).  Cette nouvelle organisation aurait vocation à centraliser le secrétariat des différentes Conventions à visées environnementales, ce qui constituerait un gain appréciable d’efficacité. Actuellement, l’un des problèmes que rencontre le droit international de l’environnement est l’absence de cohérence globale des différents textes sectoriels. Cette OME pourrait permettre de développer des mécanismes de cohérence, d’interopérabilité entre les textes touchant des aspects différents mais interdépendants de notre environnement.

Parmi les nombreux avantages de cette création, il faut également souligner qu’elle favoriserait la réalisation d’études fiables, dont l’impact serait décuplé par la visibilité et l’autorité d’une telle organisation internationale. De plus, on peut espérer que, donnant de la visibilité à la protection globale de l’environnement, cette création inciterait certains Etats à s’investir davantage dans ces problématiques.

 

Mais cette idée n’a toujours pas été concrétisée, en raison des réticences importantes de certains Etats. Les Etats-Unis, traditionnellement en recul vis-à-vis de la création de nouvelles institutions internationales, craignent une concurrence avec l’OMC. Ils estiment que l’aspect environnemental des relations commerciales doit être traité au sein de cette seconde organisation, qui leur semble bien suffisante pour y faire face. On peut penser que percevoir la nécessité de protéger l’environnement uniquement par le prisme du commerce expose à n’entrevoir qu’une partie résiduelle du problème. Les pays du sud sont également réticents, estimant que la mise en place d’une OME pourrait avoir pour conséquence de freiner leur développement. L’intégration du principe de développement durable au sein de cette organisation serait peut-être de nature à dissiper ces craintes.

 

Les négociations promettent donc d’être intenses, et cette question sera certainement posée d’une manière ou d’une autre durant ce sommet. Le projet de déclaration, fondement des futures négociations, est d’ores et déjà publié sur le site de la conférence. Il s’agira d’une base aux négociations qui se dérouleront durant le sommet.http://www.uncsd2012.org/rio20/content/documents/370The%20Future%20We%20Want%2010Jan%20clean.pdf . Ce texte est organisé selon les deux grands axes qui ont été définit pour Rio, et réaffirme la volonté  des participants de protéger l’environnement et de favoriser le développement durable de tous les Etats de la planète. Reste à savoir comment cette base sera modifiée en juin prochain. Nul doute que le texte final sera largement commenté.

 

Conclusion

 

A titre personnel, je tiens à évoquer l'une des propositions de l’appel des juristes concernant la mise en place d’une convention relative à la protection des sols. En effet, sur un plan international il n'existe aucun instrument capable de lutter contre les nombreuses menaces planant sur cette ressource naturelle. Le sol souffre de l'absence de connaissances globales à son sujet. Il n’est pas envisagé en tant que ressource non-renouvelable, ce que, pourtant, il est. Il est donc temps de mettre ces problématiques sur le devant la scène médiatique qui est offerte à l’environnement durant le mois de juin 2012.

 

Selon Ban Ki-moon « Rio+20 sera l'une des plus importantes réunions mondiales sur le développement durable de notre temps. »  Espérons que nous ne passerons pas à coté.

 

 



23/04/2012
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